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Carnets de voyage

Traverser le Sénégal en taxi-brousse

Julie Lafortune et Jasmin Théroux avec des villageois de l'est du Sénégal.
Julie Lafortune et Jasmin Théroux avec des villageois de l'est du Sénégal.
Photos : Jasmin Théroux et Julie Lafortune

9 octobre 2008

Jasmin Théroux, étudiant au baccalauréat en génie mécanique et Julie Lafortune, étudiante à la maîtrise en administration des affaires

Julie Lafortune et Jasmin Théroux se sont rendus en début d'année au Sénégal, elle pour y mener une étude sur la filière du coton équitable, lui pour y réaliser un stage en génie mécanique. Durant ce séjour, ils ont effectué la traversée du pays, un voyage de 600 km qui n'a pas été des plus reposants, et qui les a conduits à la lisière du Mali.

Dakar, dimanche matin. Il est à peine 7 h et déjà, la journée s'annonce chaude et humide. Nous sommes au mois de mai et l'hivernage approche. La température atteint quotidiennement les 30 oC à Dakar et jusqu'à 42 oC à l'intérieur du pays. Ce matin, nous entreprenons la traversée du Sénégal. Nous prenons la route en direction de Kédougou, ville frontalière au Mali.

Pour ceux et celles qui ne sont pas trop pressés par le temps (comme nous), l'un des meilleurs moyens de voyager à travers le pays est de renoncer aux locations de voiture et autres voyages organisés et d'emprunter plutôt les transports locaux. C'est d'ailleurs une excellente façon de faire d'intéressantes rencontres, de s'intégrer et d'en apprendre davantage sur les us et coutumes du pays.

Nous partons donc en direction de la gare Sapeurs-pompiers; c'est le point de ralliement pour qui cherche à se déplacer dans le pays. Là-bas, on retrouve de tout : le taxi-brousse, une voiture sept places très bon marché qui se rend dans la plupart des destinations populaires; le taxi noir et jaune, en très grand nombre à Dakar et que l'on peut louer, pour une somme beaucoup plus importante, afin de faire le trajet seul et sans escale; le minibus, ou un autobus réaménagé dans lequel on peut faire entrer un nombre incroyable de passagers et qui coûte par conséquent une fraction du prix, mais qui fait un nombre incalculable d'arrêts en cours de route. Pour le rapport qualité-prix, le taxi-brousse demeure sans aucun doute l'option la plus intéressante.

Nous voilà à peine arrivés à la gare que déjà, nous sommes entourés de gens qui s'empressent de nous aider à trouver le point de départ pour notre destination, et ce, en échange de quelques billets, bien sûr! On nous emmène donc au prochain taxi-brousse en direction de Kédougou, une voiture familiale dans laquelle une 3banquette a été ajoutée pour maximiser le nombre de passagers. Ces voitures sont très souvent en mauvais état, datant pour la plupart des années 70 ou 80, mais tout de même quasi indestructibles!

Selon la popularité de votre destination, le temps d'attente avant le départ peut largement varier. À quand le départ? Aussitôt que le véhicule est rempli! En attendant, vous avez oublié quelque chose avant de partir? Pas de problème! Une foule de marchands ambulants est prête à tout négocier avec vous : éventails, fruits, jus locaux, lunettes de soleil, etc.

Prendre la route : une aventure

La campagne sénégalaise loin du tumulte de la capitale.
La campagne sénégalaise loin du tumulte de la capitale.

Pour prendre la route, mieux vaut ne pas être craintif en voiture, d'autant plus que les véhicules sont habituellement dépourvus de ceintures de sécurité. Dépassements par la gauche ou par la droite, sorties de route, emprunts de raccourcis par de petits chemins de terre, souvent à vive allure à travers des petits villages traditionnels... tout pour écourter un trajet qui promet bien souvent d'être long! Quoique Kédougou se situe à l'autre extrémité du pays, la distance qui la sépare de la capitale est de seulement 600 km. Nous mettons pourtant une journée et demie pour nous y rendre. C'est que le tronçon entre Kaolack et Tambacounda (soit quelque 200 km) n'a pas été entretenu depuis plusieurs années, et ce, malgré la grande fréquentation de la route à cet endroit. En effet, il faut comprendre que ce chemin est en fait la route nationale, celle-là même qui permet aux transporteurs de marchandises de circuler entre le Sénégal et le Mali. Les conditions routières sont si difficiles que les camionneurs n'hésitent pas à surcharger leur véhicule pour maximiser leurs déplacements, défiant parfois même la gravité. Il n'est d'ailleurs pas rare de croiser des camions renversés et laissés à l'abandon le long de la route.

Après un trajet pour le moins éprouvant, c'est avec satisfaction que nous plongeons dans le cœur du Sénégal traditionnel dès notre arrivée à Kédougou, loin du tumulte de Dakar. La nature y est très différente du reste du Sénégal, de par sa géographie vallonnée et sa végétation luxuriante. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la région est si populaire pour ses safaris.

Vers le village d'Afia

Une habitation typique de cette région africaine.
Une habitation typique de cette région africaine.

Nos énergies reprises au lendemain d'une nuit de sommeil bien méritée, nous troquons le taxi-brousse pour un véhicule plus adapté à la région, soit un camion 4 x 4 qui nous emmène dans la savane vers le village ancestral d'Afia. Celui-ci est certainement l'un des villages les plus enclavés du pays. En saison des pluies, la route en terre battue devient presque impraticable, elle est sinueuse et souvent très escarpée. Cette route constitue la porte d'entrée pour la Guinée, un pays dont l'indice de développement humain est encore plus faible que celui du Sénégal. C'est d'ailleurs pourquoi il n'est pas rare de croiser d'énormes camions de livraison sur lesquels s'entassent des dizaines de Guinéens espérant trouver au Sénégal une vie meilleure que celle qui leur est promise en terre natale.

Afia est un petit village de quelques paysans qui cultivent le coton à titre de culture de rente et quelques céréales pour leur propre subsistance. La majorité des villageois est analphabète, mais plusieurs ont fait l'école islamique. Un seul puits répond actuellement à la demande en eau, tandis que l'électrification du village est loin d'être chose faite. Bien que ces gens soient parmi les plus pauvres du Sénégal, nous y sommes accueillis en grand.

À notre arrivée, tout le village est regroupé et nous attend pour les entrevues que nous devons y mener. Chacun prend la peine de se présenter et de nous faire visiter le village, qui se situe aux abords de collines nous séparant de la Guinée. Nous partageons même le repas avec eux, un grand bol de fonio, de nouilles et de poulet dans lequel tous trempent la main. C'est avec joie que nous tentons de faire connaissance, malgré la barrière linguistique, avec des gens simples et fort généreux.

Et c'est précisément en visite dans ce village, aux abords de cette route menant à la Guinée, que nous prenons conscience de la réalité dans laquelle vivent la plupart des petits producteurs qui, chaque jour, travaillent d'arrache-pied pour nous fournir, à nous, habitants du Nord, plusieurs de ces denrées alimentaires et matières premières qui nous permettent de vivre dans des conditions qu'eux ne connaîtront malheureusement jamais.